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L’erreur du Gouvernement de favoriser le tout électricité !

TRIBUNE - En pleine crise énergétique impactant tous les pays européens, des mesures sont prises pour limiter la flambée des prix, pour favoriser la rénovation énergétique et viser la décarbonation nécessaire de nos énergies. Cependant, la vision du Gouvernement s’est focalisée presque uniquement sur une énergie : l’électricité. Entre les aides pour l’installation de pompes à chaleur électriques, l’ambition de produire des batteries et véhicules électriques sur notre sol, la construction de nouvelles centrales nucléaires sans concertation, nos gouvernants poussent en faveur de cette énergie, au détriment des autres. Une erreur de stratégie pour Actu Energie alors que notre pays manque singulièrement actuellement… d’électricité.
Par Actu énergie
11 Jan 2023

Depuis plusieurs années, la France et l’Union européenne poursuivent l’objectif de décarboner leurs énergies. Des lois et mesures sont prises à tous les niveaux pour accompagner la transition énergétique des pays européens pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Le Gouvernement français a adopté diverses lois et de nombreux dispositifs pour nous diriger vers la fin des énergies d’origine fossile et favoriser l’électricité.

Le fioul, c’est bientôt fini, les aides pour les équipements gaz, même très modernes et performants, terminées… Désormais, ce sont les pompes à chaleur (PAC) électriques qui sont mises en avant et subventionnées. Il en est de même pour les véhicules électriques.

En caricaturant peu, si l’on suit les recommandations du Gouvernement ou des agences de l’État, il nous faudrait presque dans un futur proche tous faire installer une PAC et une borne électrique au sein de notre logement. Pourtant, tous les spécialistes énergétiques insistent sur le fait que les différentes technologies permettent de répondre aux différentes configurations existantes : type de logement, ancienneté, localisation, superficie… et que l’électrique n’est pas, loin s’en faut, toujours la bonne solution en terme d’efficacité et d’économie.

Les hypothèses de black-out sont déjà d’actualité

Pourtant depuis de nombreuses semaines il nous est demandé de faire attention à notre consommation électrique, car notre production ne serait pas suffisante pour répondre à nos besoins ! Mais alors, pourquoi prendre des mesures majoritairement en faveur de l’électricité si l’on en manque déjà ? De nombreux spécialistes annoncent déjà le « mur » infranchissable de la consommation électrique avec l’avènement de la voiture électrique notamment. La Californie, pionnière et incitatrice dans le recours aux véhicules électriques pour sa population, n’a-t-elle pas demandé lors des pics de chaleur des mois derniers à sa population de ne plus recharger les véhicules de peur de faire « sauter » l’approvisionnement, largement entamé par l’utilisation des climatisations… Ce scénario pourrait très bien se répéter avec un hiver glacé et pas seulement aux Etats-Unis…

Une dépendance à l’électricité nucléaire

Depuis des décennies, l’autonomie énergétique de notre pays repose sur sa production nucléaire. Avec 58 réacteurs nucléaires implantés dans 18 centrales réparties sur tout le territoire français, la production d’électricité d’origine nucléaire représentait en 2021 un total de 361 TWh, soit 69 % de l’ensemble de l’énergie produite sur notre sol.

Cette dépendance à notre production nucléaire peut être un fardeau. En effet, le manque de disponibilité de notre parc nucléaire depuis des années met régulièrement en alerte le gestionnaire du réseau électrique français, RTE, car la production électrique est trop souvent insuffisante et laisse craindre des coupures ou délestages en cas de fortes demandes, notamment l’hiver.

En effet, le parc nucléaire français est très vieillissant -rappelons que la durée « autorisée » de vie des centrales a été repoussée à deux reprises- et nombre de réacteurs sont à l’arrêt en raison d’opérations de maintenance programmées, mais aussi plus préoccupants pour des problèmes de corrosion. Certains réacteurs ont été et seront inactifs pendant de très longs mois. La Première ministre, Elisabeth Borne, a même dû monter au créneau début septembre pour exiger auprès d’EDF un planning de redémarrage des réacteurs nucléaires pour assurer nos besoins électriques cet hiver… Sortie illusoire, EDF, après avoir répondu par l’affirmative -bon élève !-, a rétropédalé quelques semaines plus tard sans aucune réaction du Gouvernement.

Un manque de production à compenser

D’ailleurs, et malgré le redémarrage d’une partie des réacteurs, la production nucléaire reste encore limitée actuellement. Elle est estimée à environ 2/3 de ses capacités maximales. Notre pays doit alors compenser ce manque afin de garantir l’apport nécessaire pour satisfaire les besoins électriques des Français, des entreprises et des collectivités.

Nous puisons dans les stocks de notre énergie hydraulique présente dans les lacs, mais nous sommes également contraints de produire de l’électricité à partir de centrales de gaz, voire même relancer la centrale à charbon Emile-Huchet (Moselle). Une hérésie !

Comble de l’ironie, alors que nous sommes habituellement le principal fournisseur d’électricité auprès de nos pays transfrontaliers, nous avons dû en importer depuis l’Allemagne. Une électricité issue de centrales à charbon ! La preuve que notre production nucléaire n’est pas (plus) à la hauteur pour satisfaire nos besoins énergétiques.

Le choix du nucléaire sans concertation ni débat…

Mais alors, comment notre pays a pu se retrouver dans cette situation délicate et comment pouvons-nous trouver une porte de sortie qui nous permettrait de ne plus être en alerte dès que les températures hivernales s’installent et font grimper notre consommation électrique ?

Les gouvernements successifs n’ont pas pris la mesure de la nécessaire transition énergétique et n’ont pas su prendre les décisions pour notre avenir énergétique. Le choix de continuer à miser ou non sur le nucléaire est resté très longtemps en suspens. Résultats, les réacteurs nucléaires n’ont pas été remplacés et leurs nouvelles versions ne sont toujours pas sorties de terre. Plus préoccupant, les réacteurs de nouvelle génération connaissent de graves retards dans leur construction avec des problèmes de fiabilité, sans parler des coûts qui explosent (Flamanville, Hinkley Point) et tout cela, sans fonctionner pour le moment... Plus grave, le Gouvernement a décidé la construction de nouvelles centrales pour les années à venir. Ce choix a été fait sans concertation ni débat sur le choix de favoriser cette filière, pourtant loin de n’avoir que des avantages.

Le mix-énergétique est la solution

Les enjeux climatiques et la décarbonation des énergies n’ont pas été érigés au rang numéro des priorités. Des investissements importants auraient dû être décidés en faveur des énergies renouvelables bien plus tôt et dans une plus grande ampleur.

La recherche d’énergies alternatives pour alimenter nos appareils ou pour nous chauffer aurait dû nous permettre de ne pas dépendre de l’électricité. Les gaz verts, l’hydrogène, la géothermie, l’hydro-électricité… nombreuses sont les ressources pouvant enrichir notre mix énergétique. La sécurité et le futur des approvisionnements en énergie de notre pays passent par une multiplication et une variété des sources, une meilleure répartition, tout en favorisant l’hybridation et les énergies décarbonées. L’électricité ne doit plus être l’option n°1, elle doit être une parmi toutes les autres, remplaçable, durable et renouvelable. Dernier triste constat, la France est largement en retard sur ses objectifs de recours aux énergies renouvelables, tout un symbole…

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