Nous avons pu décortiquer les différentes stratégies énergétiques des pays européens dans nos précédents articles., ainsi que l’impact de la crise énergétique sur la mise en place de leurs plans. Nous avons pu observer des points communs, mais aussi des divergences voire des tensions notamment en lien avec la classification du nucléaire.
Tous les pays européens ont en tête l’objectif ultime d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. La réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) est un enjeu primordial pour préserver notre planète. L’Union européenne a donc fixé des objectifs intermédiaires à atteindre, sous peine de sanctions.
Les différents gouvernements ont bâti des plans pour décarboner leur mix énergétique et dans le même temps améliorer leur autonomie énergétique. Sortie des énergies fossiles, indépendance énergétique en produisant localement sont des lignes stratégiques visées par l’ensemble des pays membres.
Une constante se retrouve dans toutes les stratégies énergétiques des pays d’Europe : les énergies renouvelables. Tous les gouvernements mènent des politiques ambitieuses en matière d’énergies renouvelables.
Les espagnols prévoient d’atteindre 42% d’énergies renouvelables dans leur consommation finale d’énergie d’ici 2030, et 74% de leur bouquet électrique. Pour cela, ils envisagent une sortie du charbon d’ici 2030, la fermeture des centrales nucléaires entre 2025 et 2035 et ils ambitionnent de devenir le leader européen de l’hydrogène vert grâce à une forte production de son électricité d’origine éolienne et solaire.
Tout comme nos voisins ibères, la Norvège ou encore l’Allemagne sont des exemples de pays misant principalement sur une décarbonation grâce aux énergies renouvelables, que ce soit l’éolien terrestre ou offshore, le solaire ou encore la méthanisation.
La France, quant à elle, souhaite développer sa production d’énergies renouvelables et locales (solaire, éolien en mer, biomasse, hydroélectricité..) tout en maintenant un très haut niveau de production d’électricité d’origine nucléaire.
Le Royaume-Uni souhaite renforcer sa production domestique pour s’assurer une autosuffisance énergétique. Contrairement à certains de nos voisins européens, les britanniques ont décidé de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. Ils ont fait le choix de considérablement développer les énergies renouvelables, particulièrement l’éolien offshore en mer du Nord, mais aussi continuer l’extraction de pétrole et de gaz. La sécurité énergétique de leurs citoyens avant tout !
Au même titre que l’Italie, nos voisins d’outre-Manche veulent accélérer leur production d’électricité nucléaire, en misant sur des petits réacteurs nucléaires. Un choix de l’atome qui crée des divisions entre les pays de l’Union européenne.
La France estime que l’enjeu principal demeure la décarbonation du mix énergétique européen et la réduction des gaz à effet de serre, souhaitant continuer à s’appuyer sur la puissance de sa production nucléaire, quand d’autres pays membres de l’Union européenne veulent principalement accélérer sur les énergies renouvelables et ne pas inclure le nucléaire parmi les objectifs climatiques européens.
Le futur de l’atome en Europe suscite des divergences fortes. Cette opposition s’est matérialisée par la création par la France d’une alliance du nucléaire, regroupant une quinzaine d’autres États (Belgique, Bulgarie, Croatie, Estonie, Finlande, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovénie, Slovaquie, Suède et le Royaume-Uni en tant qu’invité) faisant face à l’Allemagne et aux autres pays partisans des énergies renouvelables (Autriche, Danemark, Irlande, Lettonie, Luxembourg, Portugal et Espagne).
La France souhaite pouvoir utiliser ses centrales nucléaires pour fabriquer de l’hydrogène bas carbone et le comptabiliser comme d’origine renouvelable, créant des tensions avec nos voisins d’outre-Rhin. En effet, Berlin ne peut pas « accepter que l’énergie nucléaire soit définie comme renouvelable ».
Si un compromis a finalement été trouvé après de longues semaines de négociations, les dissentions dans le couple franco-allemand pourraient perdurer avec la reconnaissance du nucléaire dans l’atteinte des objectifs de décarbonation de l’Europe. Leurs positions sur le nucléaire restent toujours diamétralement opposées : notre gouvernement souhaite miser sur le nucléaire et la construction de nouveaux réacteurs, quand l’Allemagne est définitivement sortie du nucléaire en fermant sa dernière centrale en avril dernier.
La décarbonation par les énergies renouvelables semble être la stratégie choisie par bon nombre de pays européens. Leurs objectifs ambitieux concernant la part des énergies renouvelables dans leur futur mix énergétique semblent pourtant difficilement atteignables. Voire même utopiques ?
En effet, si leur volonté de décarbonation est bien là, ils sont rattrapés par la réalité de la conjoncture énergétique actuelle et des besoins grandissants en énergie. Sortir des énergies fossiles et développer les énergies renouvelables est une chose, mais assurer la sécurité énergétique du pays en est une autre.
De nombreux pays en font les frais et, à l’image de l’Allemagne et du Royaume-Uni, sont contraints de s’appuyer encore sur les énergies fossiles polluantes, pétrole ou charbon, pour assurer la fourniture en électricité.
Les réussites des transitions énergétiques européennes seront donc tributaires des choix stratégiques des gouvernements, mais également de la collaboration entre les pays pour mener à bien une politique énergétique commune pour atteindre l’objectif prioritaire d’une neutralité carbone et d’un mix énergétique européen sans énergies fossiles à l’horizon 2050.
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